BIO

Vous pouvez consulter ma bio “professionnelle” dans la section presse de mon site. La bio suivante décrit mon histoire musicale et ma philosophie.


Bienvenu sur mon site! Je m’appelle Denis Chang, je suis né et j’ai grandi à Montréal, Québec. Bien que je passe souvent mes hivers à Taïwan, la majeure partie de mon temps, je suis à Montréal. J’ai grandi en parlant le taïwannais, le français et l’anglais; cela m’a pris plusieurs années pour réaliser à quel point l’apprentissage des langues a joué un rôle majeur dans mon développement en tant que musicien, mais aussi en tant que personne.

Pour ceux qui ne le savent pas, la langue officiele du Québec est le français, mais jusqu’à mes années d’université, j’ai été envoyé à l’école sous le système français de France; alors j’ai grandi en entendant deux variations de la même langue. Cela a été d’une aide précieuse car cela a entraîné mon oreille à percevoir ces, parfois infimes, subtilités. J’ai appris l’anglais par moi-même en regardant la télévision et les films américains. Lorsque j’étais au lycée, j’ai dû étudier l’allemand pendant quelques années; cela a payé plus tard, puisque la musique dans laquelle je me spécialise aujourd’hui possède des racines germaniques.

Je suis globalement un guitariste de « Jazz Manouche » qui se spécialise dans le style du grand Django Reinhardt. Django faisait parti de la communauté tzigane française que l’on appelle Sinti. Il faisait parti de ce groupe ethnique et itinérant que sont les gens du voyage; d’après certaines études, il semblerait que ce peuple soit originaire des Indes et qu’il ait migré vers l’ouest en s’adaptant et en adoptant peu à peu les cultures des pays qu’il visitait et où parfois il s’installait.

Aujourd’hui, les Roms sont dispersés dans le monde entier et représentent plusieurs tribus, dont chacune à une culture spécifique et une langue spécifique. Django faisait donc de la communauté dite Sinti (Sinto au singulier, Sinti/Sinté au pluriel). En France, ils disent Manouche, ce qui veut dire « homme » dans la langue des Roms (Romani ou Romanès).

Les Sinti ou Manouches sont un groupe ethnique Tzigane des pays de l’Ouest de l’Europe et principalement de l’Allemagne où ils sont maintenant rassemblés depuis des siècles. Ils vivent aussi dans les pays voisins comme la Hollande, la Belgique, la France, l’Italie, etc… Bien que Django était Français, ses ancêtres les plus proches étaient des Gatschkené Sinti (Sinti d’allemagne). Il est intéressant de noter que non seulement la majorité des Sinti d’aujourd’hui parlent allemand, mais qu’en plus une grande partie des mots de leur dialecte sont empruntés de l’Allemand et ce, qu’ils vivent en France, en Hollande ou en Italie!

Je connaissais déjà le nom de Django Reinhardt, mais à l’époque, Internet était tout nouveau; il n’y avait pas de Youtube et compagnie et face à la discographie énorme de ce génie, je ne savais pas où commencer. C’est quelque part durant les années 2000 qu’un ami m’a recommandé d’écouter Raphaël Faÿs et Stochelo Rosenberg, deux guitaristes du style qui venaient de France et de Hollande respectivement. Les deux albums étaient Raphaël Faÿs: Jazz Hot: The Gipsy Way et The Rosenberg Trio: Live at the North Sea Jazz Festival. C’était une grande révélation; cela a changé ma vie et à partir de ce moment là je me suis procuré des albums de Django qui étaient similaires.

Camping manouche Gerwen, Hollande
Camping manouche Gerwen, Hollande

A ce moment, je découvrais les termes : « Swing Gitan », « Jazz Manouche », « Musique de Hot Club », « Hot Jazz », « Musique de Django », etc… Ces termes désignaient en vérité une période spécifique de la carrière de Django Reinhardt. Je me suis alors rendu compte qu’il y avait dans le monde entier, une petite communauté d’aficionados de ce style qui vivaient, jouaient et respiraient Django Reinhardt ! C’est à travers Django que j’ai appris de plus en plus sur la culture des Sinti et j’ai vite réalisé que ce peuple n’avait jamais cessé de rendre hommage au maître, en poursuivant sa tradition musicale. A vrai dire, non seulement ils continuaient de jouer cette musique de Hot Club, mais ils la jouaient avec un touché, un son, tout à fait similaire.

Les vibratos, les ornements, l’attaque de la main droite, les rythmes, tout y était ! En ce qui concerne le son, ces choses là ne se trouvaient pas généralement en dehors de cette communauté! Ceci n’est pas une critique envers les Gadjé (non-tziganes), mais une observation. En fait, aujourd’hui, je vous dirais volontiers que ce qui compte le plus c’est la musicalité, bien qu’il ne faille pas nier l’importance du son dans la musique. La Musique est un langage, et leurs signatures sonores est comme un accent. Nous pouvons tous parler l’anglais, mais un Ecossais, un Russe, un Français, auraient un accent différent, et bien musicalement, c’est la même chose ! Les Manouches ont cet accent, cette signature musicale de Django!

Directement, je suis devenu obsédé par cet accent, et je voulais absolument savoir pourquoi presque tous les Sinti que j’avais rencontrés l’avaient dans leurs jeux alors que pratiquement aucun Gadjo (non-Rom) ne l’avait. Un jour un ami m’a dit : « Tu sais Denis, tu ne pourras jamais jouer comme les Manouches, nous ne sommes pas comme eux ! »! Assez choquant, mais j’étais de plus en plus motivé! C’était difficile de me renseigner, car il n’y avait alors que très peu d’informations disponibles, les livres pédagogiques étaient écrits par des Gadjé et n’abordaient pas ces points de détails ou quand ils le faisaient, il y avait tout de même, à mes oreilles, une différence de son tout à fait évidente.

Une des premières références de ce style était le guitariste français: Stéphane Wrembel. Il venait juste de déménager aux Etats-Unis. Il avait grandit avec quelques Manouches en France , alors il avait quelques informations à partager. J’avais déjà mes petites pistes qu’il a pu confirmer. A la même époque j’ai rencontré un autre jeune guitariste français du nom de Lou Boustani qui avait étudié avec des Manouches, et il m’a montré ce qu’il connaissait. Au bout d’un certain temps je me suis décidé à aller en Europe pour aller auprès des maîtres du style, j’ai alors croisé le chemin de Fapy Lafertin qui fut l’un des premiers à m’aider. Finalement, je suis devenu ami avec d’autres guitaristes manouches comme les cousins Ritary et Hervé Gaguenetti, le guitariste hollandais Paulus Schäfer, et ainsi de suite! En parlant français et en ayant les fondamentaux de l’allemand, j’ai pu m’immerger dans cette culture qui n’était pourtant pas la mienne. J’ai fini par apprendre les bases de leur langue et cela m’a permis de me faire encore plus d’amis et d’apprendre davantage.

Karlsruhe, Allemagne
Karlsruhe, Allemagne

Beaucoup vous diraient que le secret de leurs sons réside dans la main droite, je répondrais que c’est une réponse incomplète. C’est bien plus complexe que cela. De nos jours, de nombreux ouvrages traitent de la main droite et la majorité des Gadjé ont adopté cette position, cependant, il y a clairement une différence qui persiste. Cela nécessiterait un chapitre entier, mais je me contenterai de dire que le secret est en lien avec la culture tzigane en elle-même. Bien sûr, nous sommes tous unique, et tous les Manouches ne sont pas les mêmes, cela reviendrait à dire que tous les Américains sont similaires. Mais bien que chaque personne soit unique, il y a cependant un lien d’esprit.

Pour la majorité, les Manouches apprennent la musique avec leurs familles ou bien seuls. Ils ne reçoivent presque jamais de cours théoriques, et si c’est le cas, cela vient d’une personne en dehors de leur communauté. Ce n’est pas qu’ils s’y opposent, mais c’est simplement que les anciens n’ayant jamais reçu ce genre d’éducation, ils ne sauraient les donner à leurs tours à la nouvelle génération. Cela vient aussi du fait que la façon dont ils apprennent la musique et qui est partie intégrante de leurs cultures depuis des générations, est totalement différente de celle des Gadjé, en d’autres termes, c’est véritablement une partie intégrante de leurs vies, c’est naturel pour eux. Ceci est une généralisation bien sûr, parce que de nos jours, de plus en plus de jeunes Manouches s’assimilent à la culture Gadjé parce que leur culture traditionnelle est vue, malheureusement, comme démodée.

Une façon typique de grandir musicalement pour un enfant manouche est de regarder les plus âgés jouer ensemble. Si cela l’intéresse, alors il/elle va prendre une guitare et essayer de reproduire certaines choses. Un proche va alors lui montrer quelques accords de bases pour qu’il/elle puisse accompagner lors des sessions musicales. A partir de ce moment là, l’enfant doit se reposer sur son sens de l’observation pour observer les autres et tenter de faire pareil. Si il/elle montre un potentiel, d’autres adultes vont lui montrer de nouveaux accords, puis l’enfant va commencer à jouer quelques mélodies. Les conseils des adultes seront en général très basiques: « joue plus fort », « moins fort », « ne ralentie pas », « pas si vite », « change cette note », etc… Ce processus continuera jusqu’à ce que l’élève soit autonome. Cette pédagogie m’a choqué, j’ai grandi en prenant des cours, en étudiant des livres de musiques qui m’expliquaient comment on devient musicien. Ces livres étaient remplis de théorie musicale, j’ai même un diplôme en théorie de la musique classique ! Cela m’a fait reconsidéré tout mon chemin musical. La pédagogie manouche n’est pas forcément la meilleure, il y a des avantages, mais aussi des inconvénients majeurs.

Avec Yorgui Loeffler, Billy Weiss, Bobby Guttenberger, et Dadi Guttenberger à Samois-Sur-Seine, France
Avec Yorgui Loeffler, Billy Weiss, Bobby Guttenberger, et Dadi Guttenberger à Samois-Sur-Seine, France

Commençons par le positif, elle développe la mémoire, les réflexes, l’intuition, l’oreille, ce sont là les qualités qu’un musicien doit posséder. Cela m’a profondément impressionné d’entendre les musiciens manouches improviser sur des musiques complexes, en utilisant des concepts avancés théoriquement sans même savoir qu’ils étaient entrain de le faire. Tout était fait à l’oreille. Je me souviens d’un musicien manouche qui jouait un Jazz Blues comme si il était né à New York, alors qu’il ne connaissait même pas la gamme pentatonique qui est la première chose qu’un guitariste apprend lorsqu’il s’attaque au Blues. Il jouait juste des phrase de Blues sans savoir que cela venait de la gamme pentatonique.

D’un autre côté, c’est une éducation qui est très difficile et qui ne récompense que les prodiges. Ceux qui survivent, dirons-nous, sont destinés à devenir des musiciens reconnus. Cependant, plusieurs n’arrivent pas à atteindre leur potentiel. Certains ont besoin de plus de directives et d’aides afin de développer ces qualités essentielles, et malheureusement, ils ne recevront probablement pas cette aide. Je suis devenu ami avec de nombreux musiciens manouches, ils ne sont pas tous musiciens professionnels; certains m’ont même dit ne pas jouer de guitare mais lorsqu’ils en avaient une dans les mains, ils pouvaient jouer des accompagnements merveilleux avec un accent typique du style! Ces gens là, si ils avaient reçu plus d’instructions, seraient sans doute devenus d’excellents musiciens.

Pour en revenir au sujet de la culture, j’ai toujours pensé que le style musical d’une personne reflète sa personnalité. Qu’il soit Manouche ou non. Dans le langage des Roms, il y a un mot qui est : xoxono avec le (x qui se prononce r, comme « Bach »), qui signifie littéralement, menteur; cependant, il a un sens plus précis qui désigne une personne qui essaye d’être ce qu’elle n’est pas. Nous sommes tous passés par là dans notre phase de maturation durant laquelle nous cherchons notre place dans ce monde. Musicalement, j’ai trouvé tous ces musiciens manouches très honnêtes. C’est très difficile d’expliquer ce que j’entends par là, mais je suis sincèrement convaincu d’avoir raison dans mon propos. Ils ne sont peut-être pas les meilleurs musiciens, d’ailleurs, il y en a certains que je ne pourrais pas écouter trop longtemps. Cependant, je les ai toujours trouvé sincères dans leurs démarches musicales et j’ai pour ceci un grand respect.

Les Manouches sont très famille, et il y a un profond respect pour les anciens. Il y a aussi une très grande culture de l’hospitalité et de la fraternité; je ne peux pas vous dire combien de fois on a prit soin de moi. Comme dans toutes les cultures, tout n’est pas positif, mais cela sortirait du cadre de ce dont je désire parler ici. Ils aiment tout ce qui impressionne : Les belles voitures, les beaux habits, le côté flashy et showman (Elvis, Frank Sinatra, George Benson, Disco, etc…). D’un certain côté, j’entends tout ceci dans leur façon de jouer la musique, ils ne sont pas timides et ont un sens inné de la camaraderie et du showmanship. Bien sûr, chaque individu est unique, et certains sont à l’opposé de ces valeurs et cela, je l’entends dans leur musique aussi.

La ferraille, l'un des gagne-pains traditionnels des Manouches. Ravensburg, Allemagne
La ferraille, l’un des gagne-pains traditionnels des Manouches. Ravensburg, Allemagne

En regardant en arrière, c’était une obsession de comprendre d’où venait ce « son manouche ». Les plus beaux compliments que j’ai reçus venaient de certains manouches qui m’ont dit : « Tu joues comme nous ! ». Bien sûr, maintenant que je suis plus âgé et familier de leur culture, je vous dirai que musicalement, je ne veux pas sonner 100% manouche; déjà parce que je ne suis pas manouche, et ensuite parce que j’ai ma propre histoire, ma propre culture.

J’ai grandi au Québec, qui est officiellement une province du Canada, mais où la langue et culture sont indéniablement différentes du reste du Canada. Je suis né dans une famille de taïwannais francophiles qui ont fuit un régime dictatorial. J’ai été envoyé dans un système scolaire de France, et j’ai grandis avec des gens de toutes cultures et de toutes confessions. J’ai été diplômé en musique classique théorique et je suis devenu amis avec les Manouches. Je me suis immergé dans leur culture. L’expérience que j’ai eue avec les Manouches m’a fait regarder la musique et la vie sur une perspective plus profonde. Je ne veux pas jouer le grand philosophe mais je crois sincèrement que la musique est quelque chose de particulier en ce sens qu’elle touche l’esprit. Quelque chose qui dépasse le rythme, l’harmonie, les gammes, et tout ce jargon musical auquel on peut penser. En fait, pas juste la musique, mais tous les arts, en général sont ce qui nous définit en tant qu’espèce et participe à notre culture.

Ce site est un peu différent des autres sites d’artistes. Vous allez voir que j’écris beaucoup d’articles dans la section blogue. Bien que j’ai fréquenté les écoles de musique, je dois dire qu’apprendre la musique et comprendre l’industrie de la musique a été pour moi quelque chose de difficile à cause de l’absence d’informations précises. La plupart de mon éducation réelle vient de mon expérience personnelle, des essais et des échecs. L’Internet est très vaste et est un superbe outil qui est aussi plein de sagesse populaire qui s’est avérée être fausse. Aller à l’école était amusant, mais c’est incomparable avec l’éducation que j’ai reçue de la vie réelle. J’ai conçu ce site pour une ancienne version de moi-même, si je pouvais donner quelques conseils au jeune Denis Chang du passé, ils se trouveraient dans les informations que vous allez trouver sur ce site. Vous verrez que j’écris beaucoup, c’est tout simplement parce que la connaissance véritable ne pourrait être résumée en quelques lignes. J’espère que certaines informations que vous trouverez ici vous seront utile.

Parkro mane oune boute baxt! (« Merci et Bonne Chance » en manouche.)

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